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Témoignage: Nathéo ou le parcours pour devenir soi

Le dernier épisode de « Ils font bouger les lignes », sur France 5, ce 11 mai, est consacré à la transidentité. Le parcours de Nathéo donne une leçon de vie.

PourCiné-Télé-Revue

« J’ai compris depuis toujours que j’étais né dans le mauvais corps. Pendant toute mon enfance, à Saint-Nicolas, à Noël, je demandais comme cadeau toujours la même chose : devenir un garçon comme mes frères.

Jusqu’à l’âge de 10 ans, je ne répondais pas aux prénoms ni aux pronoms féminins. J’avais demandé qu’on m’appelle autrement. Psychologiquement, j’étais un petit garçon mais il fallait mettre en corrélation le corps. Je me disais que c’était une erreur et que cela allait être corrigé par un coup de baguette magique.

Pendant l’adolescence, la réalité m’a rattrapé. Je vivais les changements hormonaux et corporels comme une agression, je me sentais de plus en plus mal et de moins en moins en phase avec moi-même. J’ai donc entamé des études sportives pour métamorphoser ce corps en le musclant.

Par chance, j’avais beaucoup d’amis, cela m’a aidé à vivre ces années compliquées de façon plus désinvolte. Mais je n’en parlais pas. C’était un déni. J’étais attiré par les filles, mais je ne supportais pas qu’on me touche…

A cette époque-là, je ne voyais personne d’autre qui vivait cela, j’avais l’impression d’être seul au monde, je me suis dit que j’étais un peu fou. Pour ma mère, c’était une honte que je sois homosexuel. Elle me disait que je devais me faire soigner, que j’étais une mauvaise personne. Donc, j’avais décidé que si à 21 ans, rien ne changeait, j’allais me suicider tant cette souffrance était invivable.

« Quand on se lance dans une transition, ce n’est pas un choix, c’est une nécessité »

A 20 ans, j’ai rencontré ma femme : elle m’a sauvé. Elle a été la première personne à m’accepter tel que je suis et à mettre des mots sur ce que je ressentais et à me dire : on va faire en sorte que tu le vives le mieux possible. Avec cet amour vrai, j’ai pu vivre jusqu’à 40 ans du mieux que j’ai pu. Et puis, nous avons eu un petit garçon. Cette vie de famille m’a comblé.

Mais à 41 ans, cela m’a rattrapé. Un jour, je me suis écroulé, j’ai commencé à pleurer, je sentais comme une fracture en moi, comme si j’étais aspiré. Je me suis dit que dans cette deuxième partie de vie, je ne pouvais plus continuer comme cela sinon j’allais faire porter cet état dépressif à mes proches. Je me suis dit que pour mon fils, je me devais de lui montrer l’exemple et montrer que quoi qu’il arrive dans la vie, il y a toujours des solutions malgré les difficultés.

Quand on se lance dans une transition, ce n’est pas un choix, c’est une nécessité. A un moment de notre vie, on ne peut plus faire autrement. Mais ce panel médical est compliqué à vivre. J’ai dû passer par la case psy pour avoir un aval, et il fallait à chaque étape justifier ma démarche. C’était épuisant. Cela a duré six ans en tout.

Cette transition, ma femme et moi l’avons vécue à des vitesses différentes. J’étais heureux et impatient de chaque changement. Pour elle, chaque étape de ma transformation, comme la mue de ma voix ou l’apparition de la pilosité revenait à perdre une partie de moi. J’ai dû la rassurer concernant l’homme que j’allais devenir. Cela a mis plus d’un an et a été très compliqué. Je l’ai souvent vue lutter contre elle-même pour pouvoir m’accompagner à chaque étape. Ma femme m’a avoué douter de notre couple, mais la communication nous a sauvés. Nous avons toujours beaucoup discuté et avons été francs l’un avec l’autre même si cela était parfois douloureux.

La nuit, je me réveille encore parfois avec des crises d’angoisse parce que j’ai peur que ce ne soit qu’un rêve. Quand je me vois dans un miroir, j’ai du mal à me reconnaître, mais je suis très heureux de l’homme que je suis. Je suis en paix. Mon fils est fier de moi.

Pour faire évoluer les questions de transidentité, j’ai créé l’association Face à toi-même. Nous intervenons dans les écoles pour en parler, auprès des services publics et des politiques afin de faire évoluer les lois. Et j’ai créé avec un ami un site d’ecommerce, Face à toi-même, il est unique en Europe, où nous vendons vêtements et accessoires pour les hommes transgenres. L’argent récolté est réinjecté dans des projets associatifs culturels. »

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