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Nous avons vu «Matrix Ressurections»: la mise à jour fonctionne!

22 ans après le premier volet de la trilogie, « Matrix Resurrections » sortira en salle en Belgique ce 22 décembre, avec la seule Lana Wachowski aux commandes, mais toujours avec Keanu Reeves en Neo. Le résultat est spectaculaire, virtigineux et… alambiqué.

PourCiné-Télé-Revue

On a beau être habitués aux reboots, prequels, remakes en tout genre, s’il y en a bien un qu’on ne s’attendait plus jamais à voir revenir, c’est bien « Matrix ». Pourtant, dès ce 22 décembre, « Matrix Ressurections » vient ajouter un nouveau chapitre à l’histoire de Neo et de Trinity, toujours joués par Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss.

A sa sortie en 1999, « Matrix » fut plus qu’un révolutionnaire le film de science-fiction. Son impact n’est guère comparable qu’à celui de « 2001, l’odyssée de l’espace », de Stanley Kubrick, combiné à celui de « Jurassic Park » pour ce qui est des effets spéciaux. Au point que le verbe « matrixer » est entré dans le langage, pour désigner quelqu’un subissant une influence sans s’en rendre compte. Un mot très répandu chez les complotistes.

Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss, la renaissance d’une histoire d’amour dans «Matrix Resurrections». © Warner Bros.
Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss, la renaissance d’une histoire d’amour dans «Matrix Resurrections». © Warner Bros.

Derrière ce film, deux frères, Larry et Andy Wachowski, avant même que le développement d’Internet nous englobe dans un monde virtuel, propulsait le public dans l’ère du numérique. Influencés par le cyberpunk, par la religion hindouiste et le cinéma asiatique, nourris par la littérature de Philip K. Dick autant que celle de Lewis Carroll et son « Alice au pays des Merveilles », Larry et Andy mettaient des mots et des images sur une révolution informatique qui n’en était encore qu’à ses balbutiements, et avaient le génie d’en extraire la matière d’une œuvre indépassable, parce que réellement première. Ils y accolaient, surtout dans les deux suites « Matrix Reloaded » et « Matrix Revolutions », des concepts spirituels new age qui allaient les éloigner du grand public, mais qui apportaient une ossature différente à leur trilogie. « Matrix », ce n’est pas que du cinéma, pour eux. Et surtout pas que du cinéma commercial. Ce déchirement entre deux mondes, un virtuel présenté comme vrai et un monde réel caché à nos yeux, c’est aussi celui que ces deux femmes nées dans des corps d’hommes ressentaient tous les jours. Quelques années plus tard, Larry et Andy avalaient à leur tour la pilule rouge et passaient de l’autre côté, en devant Lana et Lilly Wachowski… La boucle semblait bouclée.

Alors, pourquoi revenir aujourd’hui avec un quatrième « Matrix » après avoir répété durant vingt ans qu’il n’y avait plus rien à raconter ? Pour Lana Wachowski, c’est une succession de deuils douloureux qui l’ont conduite à vouloir retrouver Neo et Trinity, qui ont le mérite d’être immortels. Lilly ne l’a pas suivie. Epuisée par cette industrie, elle vit aujourd’hui pratiquement à la retraite, se dédiant surtout à la peinture. Restait à trouver une nouvelle histoire aussi forte. Un pari par gagné d’avance. Parce que s’il y a vingt ans, « Matrix », c’était du jamais vu, aujourd’hui, c’est tout l’inverse. A l’heure où avec Meta Mark Zuckerberg nous promet un monde toujours plus virtuel, la Matrice, on baigne dedans… Heureusement, Lana Wachowski ne manque pas d’idée.

Yahya Abdul-Mateen II, le nouveau Morpheus de «Matrix Resurrections». © Warner Bros.
Yahya Abdul-Mateen II, le nouveau Morpheus de «Matrix Resurrections». © Warner Bros.

Dans « Matrix », on découvrait Thomas A. Anderson, citoyen lambda, traînant un peu comme tout à chacun le sentiment de ne pas mener sa vie comme il désirait, que ce qu’il vivait n’était pas sa vraie vie. Jusqu’à ce qu’un certain Morpheus lui annonce qu’il ne se trompait pas, qu’il était en fait enfermé dans un cocon, des machines le nourrissant pour extraire son énergie, en attendant de le jeter comme une pile usagée. Une pilule rouge, et il deviendrait Neo, élu attendant par une poignée de résistants pour renverser l’ordre des machines. Une pilule bleue, et il continuerait de rêver sa vie. Il prit la pilule rouge.

22 ans plus tard, Neo a disparu. Reste Thomas A. Anderson, citoyen lambda d’autant plus mal dans sa peau que des flashs d’une vie irréelle où il était cet élu viennent zébrer son quotidien. Les effets négatifs d’une imagination débordante, lui assure le psy (Neil Patrick Harris) qui le suit depuis des années. Son imagination est d’ailleurs ce qui a bâti la fortune de M. Anderson : il est le concepteur de « Matrix », un jeu vidéo qui a connu un succès triomphal en 1999. La Warner Bros. son patron, aimerait qu’il développe une quatrième déclinaison du jeu… L’avantage de l’intrigue est d’incorporer le coup de vieux de ses héros. Elle en remettrait limite une couche plutôt que de chercher à masquer les rides, permettant aux acteurs de ne pas être en décalage avec leurs rôles, et de les défendre avec d’autant plus de sincérité.

Lana Wachowski sur le tournage de «Matrix Resurrections». © Warner Bros
Lana Wachowski sur le tournage de «Matrix Resurrections». © Warner Bros

Mais d’apercevoir de temps en temps dans une cafeteria une femme, Tiffany, qui lui rappelle étrangement Trinity, l’héroïne de son jeu vidéo qu’il a l’impression d’avoir si bien connue, l’empêche de tout à fait croire à la réalité de ce que l’entoure. Il n’y a plus cette fois Laurence Fishburne, qui jouait Morpheus, pour lui ouvrir les yeux… mais il reste toujours Morpheus (Yahya Abdul-Mateen II), pour lui proposer à nouveau d’avaler une pilule rouge… Dans une réalité programmée, le visage des gens peut changer à volonté !

Neil Patrick Harris, apparemment inoffensif psy. Mais les apparences sont trompeuses dans l’univers de «Matrix». © Warner Bros.
Neil Patrick Harris, apparemment inoffensif psy. Mais les apparences sont trompeuses dans l’univers de «Matrix». © Warner Bros.

Avec « Matrix Resurrection », Lana Wachowski explore la propre légende de sa trilogie. Des images du passé, donc pour lui des jeux vidéo, viennent perturber le personnage joué par Keanu Reeves. Mais « Matrix » n’est-elle qu’une œuvre de fiction créée pour divertir les masses, ou existe-t-elle vraiment ? L’intrigue de Lana Wachowski est par instants à la limite de la parodie. Certains passages, comme les réflexions sur le mot binaire ou la discussion de geeks autour des concepts de « Matrix », relèvent d’un humour qui était totalement absent de la trilogie. Ils dégomment aussi sans avoir l’air les délires de complotistes qui aiment à citer « Matrix » comme référence. En la matière, la scène post-générique, au bout d’un interminable générique, se moquant gentiment des effets d’annonce à la Marvel, est un caviar du genre. Elle vous révélera que le principal adversaire de « Matrix », c’est « Catrix ». On ne vous en dit pas plus.

Surtout, la réalisatrice fait de ce quatrième volet une œuvre hybride, une synthèse des trois premiers épisodes qui renvoie dos à dos fans du premier « Matrix » et les rares amateurs de ces suites. Pour ça, « Matrix Resurrections » va sans doute avoir du mal à fédérer son public. Certains apprécieront le retour aux prémices de départ de l’œuvre, mais seront irrités de repartir non pas pour Sion, la vielle rebelle, mais Io. Les autres penseront que l’histoire se répète (ce qui est tout un concept en soi dans cette saga !). Auront comme les héros l’impression de déjà-vu. L’abondance de propositions donne un côté fouillis.

Lana pousse cependant plus loin sa réflexion, en explorant le monde des machines, où certaines se rebellent contre la matrice et s’allient avec les humains pour reconstruire un monde ouvert à toutes les espèces, êtres humains comme intelligences artificielles. Des questions très actuelles, avec les travaux sur les AI capables d’apprendre à apprendre et à gérer des émotions… C’est assez vertigineux.

Sauts dans le vie, poursuites, combats, les cascades sont au rendez-vous dans «Matrix Resurrections». © Warner Bros
Sauts dans le vie, poursuites, combats, les cascades sont au rendez-vous dans «Matrix Resurrections». © Warner Bros

« Matrix Resurrections » joue avec des concepts forts, et se révèle assez alambiqué. Bravo à celui ou celle qui n’aura pas l’impression de se perdre dans les dédales du réel et du virtuel, des auto-références et de la parodie. Mais aussi du film d’action et de la réflexion philosophique. On assiste à énormément de scènes de poursuites, de combats et de fusillades, spectaculaires, comme l’exige la franchise. Mixant les effets spéciaux mécaniques et numériques, la cinéaste signe des scènes de cascades impressionnantes. Dont bien sûr le fameux « saut de la foi » de Neo et Trinity du haut d’un gratte-ciel, qui a été réellement effectuée par Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss. On sort des près de 2 h 30 de vision lessivés, sans être totalement sûr d’être convaincu, mais avec ce dérangeant petit sentiment qui fait dire qu’une nouvelle séance permettra sans doute d’y voir plus clair ! On sort aussi avec la certitude que ça ne s’achèvera pas là.

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