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«Nos blessures ne sont-elles pas nos moteurs?»: l’interprète de Rhaenyra adulte dans «House of The Dragon» se confie sur la série et son rôle

L’interview que nous a donnée Emma D’Arcy à Los Angeles nous a fait comprendre pourquoi l’artiste non-binaire était le meilleur choix pour incarner une princesse briguant le pouvoir… d’un roi !

PourCiné-Télé-Revue

Ce 3 octobre à 20h30, c’est déjà le 7e épisode de la première saison de « House of the Dragon » que dégoupille Be tv. Depuis le 6e, l’action de la série se passe une dizaine d’années après le cinquième, ce qui signifie que les personnages ont vieilli. Parmi eux, la Princesse Rhaenyra n’est plus incarnée par Milly Alcock, mais par Emma D’Arcy, artiste de 30 ans qui se définit comme non-binaire. Emma a étudié les Beaux-Arts à Oxford et s’est d’abord fait remarquer en campant la fille de Toni Collette et Steven Mackintosh dans la série britannique « Waterlust » (2018), disponible sur Netflix.

« Les fans vont me découvrir avec un sentiment de deuil »

Son arrivée dans « House of the Dragon » coïncide avec la naissance du troisième fils de son personnage. « Quand je débarque, Milly n’est évidemment plus là, donc c’est dans une sorte de deuil que me découvrent ceux qui suivent la série depuis le début. J’ai bien conscience de cela… » Et de poursuivre : « Je n’avais jamais repris un personnage après quelqu’un d’autre, et au milieu d’une saison, donc j’ai fait mes devoirs. J’ai couché sur papier ce qui arrive à Rhaenyra dans les premiers épisodes et j’ai, comme dans un journal intime, commenté leurs événements de son point de vue. Je tenais à être déjà elle à ce moment-là, à vivre en elle le plus tôt possible, et à un moment défini. En l’occurrence, dès l’ouverture de l’histoire. »

Sans entrer dans les détails, on peut révéler que les liens forts qui unissent Rhaenyra et Alicent (jouée d’abord par Emily Carey, autre artiste non-binaire, puis Olivia Cooke) se sont distendus pour une raison que nous tairons, mais qui est évidente dès l’épisode 6. Nous avons demandé à Emma si, dans la réalité, certaines de ses amitiés s’étaient aussi détériorées. « Quand on est enfant, on commence par jouer avec des poupées, puis on joue avec des amis... et on a l’impression qu’on possède ces derniers, comme on possédait nos poupées. Puis un jour, on voit un ami avec quelqu’un d’autre, on les voit prendre de la distance par rapport à nous, et notre coeur se brise. C’est le premier chagrin d’amour. Je n’oublierai jamais… Un été, alors que je me rendais en maillot chez ma meilleure amie, où je pensais aller dans sa piscine comme d’habitude, je l’ai soudain vue à travers une grille s’amuser avec une autre fille. Et la colère m’est montée au nez ! J’ai hurlé… Je suis rentrée chez moi en courant et je ne l’ai pas vue pendant deux semaines. Je me suis sentie abandonnée. »

« Le monde de la série est aussi misogyne que celui d’aujourd’hui. »

Sans transition, on souligne en sa présence à quel point « House of The Dragon », et « Game of Thrones » auparavant, montre les femmes comme des êtres dégradés. « C’est sûr, on est là dans un monde très misogyne. Aussi misogyne que le monde d’aujourd’hui ! Parce qu’elles appartiennent au genre fantasy et science-fiction, ces séries n’ont ni freins ni limitations et peuvent se permettre d’être de véritables miroirs de la réalité, si vous voyez ce que je veux dire. Dans cet univers, la féminité est synonyme de maternité, de passivité, de devoir et d’incapacité. Comment une femme qui veut diriger peut-elle se défaire de toutes les étiquettes qui lui portent préjudice ? Comment peut-elle convaincre un électorat surtout constitué de sujets masculins qu’elle est aussi apte qu’un homme ? La série pose ces questions, particulièrement par rapport à Rhaenyra et Alicent. »

À l’écran, Rhaenyra est particulièrement proche d’un homme, son oncle Daemon, incarné par Matt Smith. « Elle se sent en porte-à-faux avec l’image qu’elle donne, et ressemble beaucoup à Daemon. Mais depuis qu’elle est toute petite, elle sait qu’on ne lui permet ce qu’il a le droit de faire, lui, qui est un homme. Je pense qu’elle existe avec un double en elle, en quelque sorte. C’est comme si elle était née avec un sexe masculin, comme un enfant qui aurait eu accès à tout ce qu’il désire. Aujourd’hui, elle veut obtenir des choses en forçant, mais ça ne lui est pas permis. Elle a grandi avec un père (le roi Viserys) qui a toujours exprimé son envie d’avoir un héritier de sexe masculin. Elle sait qu’elle n’est pas un homme, mais se sent comme tel, au fond. Elle a conscience de la dynamique des genres et de la fluidité, dans un monde où ces mots n’existent pas. »

« Nos blessures ne sont-elles pas des moteurs ? »

« Rhaenyra et son père sont également très similaires », continue l’artiste. « Et entre eux, il y a un amour profond. Ils sont tous deux incroyablement têtus, et souvent, ne se parlent pas, ne peuvent exprimer leurs besoins et vivent dans une impasse. À l’arrivée, il est probablement la personne dont elle cherche le plus la validation et l’admiration. Cela génère beaucoup de souffrance en elle, mais à nouveau, nos blessures ne sont-elles pas nos moteurs ? Leur relation est définitivement le fondement de la série. »

Le 7e épisode de la saison 1 de « House of The Dragon », c’est ce lundi 3 octobre à 20h30 sur Be TV.

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