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Moonkey, mangaka belge («Otaku Station»): «Faire ce métier est galère»

Sur RTLplay, Jill Vandermeulen propose un court programme consacré aux fans de pop culture asiatique, « Otaku Station ». Parmi eux, ce Namurois qui a réussi l’exploit d’être le premier auteur européen de mangas.

PourCiné-Télé-Revue

« Comme tous ceux de ma génération, j’ai été élevé avec Récré A2 et le Club Dorothée. J’étais très fan des « Chevaliers du Zodiaque », parce qu’ils nous montraient des jeunes qui se battaient pour leurs valeurs contre ce que les adultes leur imposaient. Cela parlait du dépassement de soi, de l’amitié, des thèmes forts qui m’ont marqué. Mais l’univers des mangas, je l’ai découvert par un ami dont le père travaillait dans un hôtel où il y avait des clients japonais. Dans leurs valises, il y avait ces livres.

« J’ai toujours dessiné. A 5 ans, j’ai fait ma première BD. A chaque fois que je faisais le dessin d’un personnage, j’imaginais son histoire. J’ai fait l’Académie royale des Beaux-Arts à Bruxelles. Pendant que les autres allaient boire des verres, moi j’étais penché sur mon crayon. C’est dire ma passion.

« A 20 ans, dans ma grande naïveté, je suis parti tenter ma chance au Japon. J’ai vécu un rêve éveillé. Je me retrouvais dans des cases de mangas ! Il faut savoir que les dessins de décors sont faits à partir des photos, c’est ultra réaliste. Et puis, les Japonais sont très accueillants et cordiaux avec les touristes, ils s’arrêtent spontanément pour les aider. J’y ai passé un mois et demi et je logeais à Tokyo chez le créateur du dessin animé « Les Chevaliers du Zodiaque ». Plus qu’un ami, il a été mon « sensei », mon guide. C’est quelqu’un qui accompagne sur le parcours de mangaka, un maître et une source de conseils. J’ai visité son studio, rencontré d’autres piliers du manga. Et adopté leurs horaires que je garde aujourd’hui : je commence à 9 h et j’arrête à 2-3 h du matin avec deux fois une demi-heure pour manger, quasi sept jours sur sept. Quand je « prends ma soirée », il est minuit. On sacrifie sa vie à cette passion.

« Quand je suis revenu en Belgique, j’ai été engagé chez un éditeur pour faire de l’adaptation graphique des mangas, pour les « occidentaliser ». Puis, j’ai fait des illustrations pour les jaquettes. Il s’avère qu’un éditeur français cherchait un quelqu’un qui fasse du manga ancré dans notre réalité. J’ai eu la chance de publier ma première série, « Dys ». C’est l’histoire d’un jeune qui falsifie son CV et se fait engager dans une grande société d’architecture. Il se heurte à un dilemme : entre ses valeurs et sa carrière. J’ai enchaîné avec « Necromancer », plus action-aventures, avec un héros qui veut rester maître de son destin dans un monde de revenants.

« Pour créer, on pense d’abord aux lignes directrices, on creuse les personnalités de chaque personnage. J’en fais une version comme un script, puis un story board pour voir si le scenario se lit bien, et puis je dessine sur du papier japonais à l’encre de Chine, avec des plumes japonaises. C’est comme un prolongement de ma main. Ensuite, je scanne et j’utilise un programme informatique spécial manga. Faire un manga prend grosso modo neuf mois pour le volume 1. Après il y a une telle demande pour la suite que vous devez faire le travail en six mois.

« Il faut vraiment être passionné pour faire ce métier. Alors que les ventes de mangas battent des records de d’année en année, au départ, j’en vivais mieux que maintenant. Disons que ça payait mes factures. La maison d’édition indépendante pour laquelle je travaillais a été rachetée par un grand groupe et là pas de discussion : les prix ont été fortement diminué. Surtout qu’en Belgique, on n’a pas de statut convenable d’auteur. C’est devenu galère. Alors, je donne des ateliers quand j’ai le temps pour montrer que le manga n’est pas que de la violence, qu’il aborde les thèmes sur l’acceptation de soi, le deuil, que ça donne des réponses aux adolescents. Je me suis aussi lancé sur Twitch, où je montre comment on dessine, je papote avec les jeunes.

« C’est quand même une gageure, et même improbable, d’arriver à se faire une place dans un monde dominé par les Japonais, qui ont en plus la force de l’animé et avec une nouvelle génération d’éditeurs géniaux. J’essaie simplement de rester moi-même et de faire de mon mieux tout en continuant à m’amuser et en essayant d’avoir une thématique. Même s’il y a le business, il y a aussi les relations humaines et c’est cela qui me comble, c’est ma ligne de vie plutôt qu’un métier. »

Retrouvez-le dans « Otaku Station » sur RTLplay et suivez-le sur Instagram (@moonkeypro).

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