Accueil Ciné-Télé-Revue Musique

Moji x Sboy sortent leur premier projet «Temps d’aime»: «Liège sera toujours la Ville où l’on sentira le plus l’énergie du public»

Ce vendredi 11 juin 2021 est un grand jour pour Moji x Sboy. Les deux Liégeois dévoilent leur premier projet, intitulé « Temps d’aime ». Principalement influencés par ce qu’il se fait aux États-Unis, ils nous livrent plusieurs facettes d’un sujet qui leur tient à cœur : l’amour. La mixtape, réalisée par le beatmaker belge Ozhora Miyagi, nous plonge dans l’univers des deux amis d’enfance à travers 12 titres. Un univers particulier tant musicalement que visuellement. Entretien.

Avant de parler de votre projet, j’aimerais que l’on parle de vous et de votre musique. Vous êtes clairement influencés par tout ce qu’il se passe aux États-Unis. Dans la sphère rap francophone, votre musique est particulière. Comment la définissez-vous ?

Moji : Comme tu le dis, c’est assez compliqué de nous identifier dans une case et de définir notre style musical. On a notre style à nous et je pense que ça s’entend. Après, pour mettre un nom précis dessus, on va dire « Emo Rap ». On a aussi des consonances un peu « Lofi », « Pop Rock », et « Trap ». Même le « Love », c’est assez compliqué de dire que l’on est des artistes qui ne font que du « Love ». On a notre style qui est assez propre à nous et ça nous convient.

Au-delà de vos inspirations US, quelles sont vos références françaises ?

Sboy : Vu que l’on écoute beaucoup de choses, il y a du Nekfeu, du Laylow, du Josman. Je pense que ce sont les plus importants, en tout cas pour moi.

Moji : On a séché Nekfeu. J’aime aussi beaucoup ce que Lefa fait, au niveau de son écriture, il arrive à se renouveler en tant qu’« ancien » du rap game et il le fait très bien. On aime beaucoup sa plume.

Vous avez aussi un style visuel qui vous est très propre. Est-ce aussi important pour vous de vous exprimer de cette manière ?

M : Bien sûr, c’est super-important pour nous ! Tout d’abord parce qu’il faut que l’on soit identifié proprement. On a été identifié musicalement grâce à nos GIF que l’on a postés il y a quelques années sur YouTube, mais il n’y avait pas nos visages. Donc à l’heure d’aujourd’hui, c’est assez compliqué pour certaines personnes d’affilier cette image à des visages maintenant de nos clips. Vu que l’on arrive avec des tenues un peu extravagantes, ça peut choquer, mais c’est super-important pour nous que ça aille de pair. Pour notre duo, mais aussi pour notre musique, simplement. Ce n’est ni forcé, ni fait exprès. C’est naturel, c’est ce que l’on aime vraiment. On se dit autant y aller à fond dans le délire. On veut vraiment qu’il y ait ce truc 360º quand tu nous vois, que l’on incarne notre musique à fond.

New shoot 2 - © Marine Rigo
Marine Rigo

Vous parlez des GIF. C’est intéressant car on peut aussi remarquer que vous êtes influencés par tout ce qu’il se fait au Japon, les mangas, etc.

M : Bien sûr, bien sûr ! Les Japonais ont une esthétique assez particulière, même dans le style vestimentaire. Même au niveau des mangas, la ville c’est vraiment un délire. Ça nous fait un peu rêver et ça nous influence de dingue, que ce soit au niveau du visuel, de l’attitude qu’ils dégagent, le style vestimentaire, la manière de retoucher les photos, etc. Ça a grave influencé nos choix à l’époque et même à l’heure d’aujourd’hui.

Pour revenir à votre musique, vous avez fait vos débuts en 2018 avec des freestyles publiés sur « 1minute2rap ». Qu’est-ce que ce compte Instagram représente pour vous ?

S : On sera toujours très reconnaissant du truc que Milyann – le fondateur du compte – a mis en place parce que nous, en soi, on faisait nos sons, on avait déjà un peu notre matos chez Moji, on enregistrait dans sa chambre. On a vu qu’il y avait ce truc du freestyle et si c’est bien, tu passes à l’étape suivante, etc. On a vu qu’il y avait grave de la visibilité, du coup on s’est dit « pourquoi pas » et on l’a fait. C’est ce qui nous a lancés, donc on sera toujours très reconnaissant envers ce compte. On est très fier aussi de l’avoir fait. C’est ce qui nous a permis de commencer.

Qu’est ce qui change entre balancer un freestyle sur les réseaux sociaux et réaliser une mixtape, qui sont deux manières de travailler totalement différentes ?

M : Comme tu dis, c’est totalement différent. On a dû s’accaparer de tout ce qui était studio parce que c’était nouveau pour nous durant l’élaboration du projet. On avait un home studio ici, chez moi, mais ce n’était rien de ouf par rapport à ce que l’on peut voir aujourd’hui dans les studios. Tu n’es pas forcément à l’aise dans un premier temps et puis on a dû prendre nos marques.

S : On s’est professionnalisé en fait.

M : C’est exactement ça ! Même dans les prod, tendre l’oreille pour le mix, le master, ce sont des étapes que l’on ne négligeait pas, mais que l’on ne prêtait pas forcément attention parce que l’on faisait entre guillemets nos sons tout seul. Le fait de passer de deux gars qui étaient un peu autonomes avec un gars comme Ozhora – beatmaker belge à la réalisation du projet – qui connaît bien la musique, fait que l’on a dû apprendre énormément sur le tas. Au final, on aime bien ce processus.

Quand est-ce que vous vous êtes dit « OK, il y a un truc, on doit vraiment se consacrer à fond dans le rap » ?

M : Après « Ma Go », je pense.

S : Oui, après le freestyle « 1minute2rap », il y a déjà eu un petit « il y a un truc » avec « Ma Go ».

M : Même avec « Regarde-moi », il y avait déjà eu des retombées, mais ce n’était pas encore « waouh ».

S : Ça aurait pu être juste un son, ce que je ne souhaite pas, comme beaucoup d’artistes francophones qui font un truc et puis voilà quoi. Nous, avec « Ma Go », qui n’était même pas issu d’un freestyle, ça nous a permis de nous dire « OK, il y a vraiment un truc à faire, les gens sont réceptifs à ce que l’on fait ».

Le titre « Ma Go » a été certifié single d’or en indépendant, ce n’est pas rien…

S : On est super-fier !

On parle de single d’or mais tout a été très vite pour vous, notamment avec un passage aux Ardentes en 2019. Étiez-vous prêts pour tout cela, en si peu de temps ?

M : Oh mais pas du tout ! Si tu veux, pour l’anecdote par rapport aux Ardentes, on était en examen avec la tête plongée dans les études, c’était ma dernière année. On reçoit un coup de fil de notre manager et il nous dit « ouais les gars vous allez passer aux Ardentes, tel jour à telle heure ». Dans nos têtes ça a vraiment fait un boum de dingue. Après on a commencé à répéter et le jour du concert on s’est rendu compte que c’était vraiment un truc de ouf. On était chez nous, il y avait vraiment plein de gens. On pensait qu’il n’y en avait que 30 parce que l’on voyait les gens par un petit trou. Je me disais « putain il n’y a que 30 personnes, ça va être la galère ». On monte sur la scène et là on voit qu’il y avait énormément de gens, ils chantaient avec nous. On n’était pas prêt. On a dû s’y préparer sur scène en fait.

Le public connaissait vos chansons en plus !

M : Oui ! C’était un délire que je voyais franchement qu’à la télé ou sur YouTube. Et là je voyais les gens avec nous et ça nous a mis dedans. On s’est fait passer pour des grands en fait (rires).

S : Vraiment des petits filous ! On arrive là, on se dit vraiment « vas-y ». Il y a quelques mois on n’avait rien du tout, on savait que l’on avait pris quelques abonnés sur Instagram avec les freestyles et on arrive là… Comme Moji dit, on regarde dans le trou et on voit 30 personnes, on se dit « aïe aïe aïe, ça va être la galère ». On monte sur scène, on voit 400 personnes et on se dit « putain, mais qu’est-ce qu’il se passe ici ? ». On performe et c’était vraiment un truc de fou. C’était à vivre. C’était vraiment le premier truc qui montrait qu’il s’était passé quelque chose pour nous.

M : C’est vraiment un bon souvenir. Rien que d’y reparler j’ai envie de retourner là-bas ! C’était vraiment ouf.

S : En vrai, j’étais très stressé, mais je pense qu’à Liège, ça sera toujours la Ville où l’on sentira le plus l’énergie du public !

Comment fait-on pour concilier vie d’étudiant et vie d’artiste ?

S : Là, comme tu vois, je mange des pâtes (rires). J’empile tout, j’entasse tout ce qui est possible d’entasser. J’ai un examen vendredi – l’interview s’est déroulée le mercredi 2 juin – j’en ai encore deux la semaine prochaine. Là par exemple, notre premier projet sort vendredi prochain et j’avais un examen prévu ce jour-là. Je me suis dit « non ce n’est pas possible, je ne peux pas passer un examen le jour de la sortie de mon projet ». Du coup tant pis, ça sera pour la deuxième sess. J’ai fait un peu des sacrifices, des arrangements, pour que je puisse vivre la sortie au mieux. Dans le fond, c’est un peu toujours comme ça, mais je ne m’en plains pas, parce que tout est bien, tout va bien.

Tu as quand même eu ton Bachelier en ingénieur civil, félicitations.

S : Merci, ça fait plaisir ! Oui, là je suis en Master 1. Encore un an après celui-là !

Et toi, Moji ?

M : Ça fait deux ans que j’ai fini. J’étais en école hôtelière, à Namur. J’ai fait mes années là-bas et ensuite j’ai terminé par une gestion. Je l’ai finie l’année où justement on a fait « Ma Go » je pense, et ensuite on a eu cette opportunité et je me suis dit « je ne vais pas me mettre à travailler maintenant si c’est pour que l’on parte tout le temps au studio, etc ». J’ai voulu consacrer tout mon temps là-dedans en attendant que mon ami sorte de prison (rires) et puis on taffera quand l’on veut.

Temps d'aime COVER

On se parle aujourd’hui pour la sortie de votre première mixtape « Temps d’aime ». Pourquoi avoir choisi ce jeu de mots ?

S : Dans les douze titres du projet, le thème principal est l’amour et un peu la solitude. Pourquoi « Temps d’aime » ? C’est d’abord un jeu de mots avec le fait que l’on soit deux. Et aussi dans le projet, on passe par plusieurs étapes de l’amour et ce que l’amour peut engendrer. Il y a des morceaux comme « Rockstar » où c’est l’amour qui provoque la haine, « Ma Go » où c’est plus pur ou encore « Medecine » qui est encore plus intense. À travers le projet, on a essayé de relater tout ce que l’on a pu vivre avec, grâce ou à cause de l’amour. C’est étalé sur un certain temps aussi, c’est pour cela qui y a ces notions de « temps » et d’« amour » dans le projet.

Deux choses prédominent dans la mixtape : un sujet, à savoir l’amour, et un instrument qui revient dans pratiquement tous les sons, la guitare.

S : On kiffe la guitare, mais on ne sait pas en jouer ! On a voulu prendre la guitare et la décliner parce que ça peut être très varié. Elle peut faire des mélo qui donnent envie de « turn up », des trucs super-calmes, un peu rock… C’était ça notre ligne conductrice en fait. On ne voulait pas qu’il y ait un morceau avec du piano en plein milieu. Notre but était de prendre la guitare parce que c’était avec ça entre guillemets que l’on a commencé.

Vous en parliez, sur douze sons, vous explorez plusieurs facettes de l’amour. Est-ce que vous comptez aborder d’autres aspects dans le futur ?

M : À mon avis ça sera plus tard. Pour que l’on en parle de la meilleure des manières, il faut que l’on vive des trucs dans nos vies respectives. C’est possible qu’il y ait des sons qui soient plus poussés parce que l’on s’est dit « on se penche sur un storytelling et on raconte quelque chose qui est fictif et imaginé de A à Z ». C’est probable que l’on le fasse, mais je pense que l’on va d’abord se laisser vivre pour le moment, le temps de vivre des trucs, que ça soit avec nos potes ou même entre nous. Ça fera du bien à notre musique pour les prochains sons, tout simplement.

Le morceau « Milla » se démarque des autres puisqu’il n’aborde pas la thématique principale de l’amour. Est-ce que vous pouvez m’en parler ?

M : C’est un son que l’on a fait dans le milieu du projet. Nous, on a nos inspirations qui sont principalement américaines par rapport aux types de prod, etc. On a trouvé cette prod et on s’est dit « il faut en faire un truc » parce que l’on a directement accroché. On s’est dit que l’on n’allait pas faire un son d’amour, mais essayer de partir sur quelque chose d’un peu plus réel, plus terre à terre. C’est pourquoi on a un peu inventé ce personnage de Milla. On ne connaît pas une meuf qui s’appelle Milla et qui s’est suicidée. On l’a inventée avec, bien sûr, des éléments de la réalité. On a vraiment essayé de montrer aussi que quand tu vois une personne, par exemple Milla qui est une très jolie fille, tu ne la connais pas, tu ne sais pas ce qu’elle vit quand elle est seule à la maison ou dans sa chambre. C’est vraiment avec ce morceau que l’on a essayé de montrer que tu peux voir quelqu’un dans la rue qui te parait bien et à la maison tu ne sais pas ce qu’il se passe. C’est aussi pourquoi on a voulu faire un contraste avec la prod et les mélodies qui sont super-joyeuses comparées aux paroles qui sont très crues.

Il y a aussi deux collaborations avec Luv Resval sur « Chimique » et Geeeko dans « Alone ». Comment se font les connexions avec d’une part un Français, et de l’autre un Belge ?

M : Geeeko c’était un peu simple dans un sens parce que l’on s’était déjà rencontré il y a 3-4 ans, bien avant que l’on ait sorti nos trucs et que lui ait commencé d’un peu alimenter sa chaîne YouTube. Il est venu faire un concert chez nous, on avait déjà kiffé sa dégaine, ce qu’il dégageait, son univers. On s’est dit que si un jour on devait faire un petit projet et que ça se passe bien, pourquoi pas l’inviter. Entre-temps, lui, il a signé de son côté, il a balancé ses titres et tout. On a fort accroché. On s’est capté au studio et on a fait le son récemment. C’est un des derniers que l’on a enregistré.

Par rapport à « Chimique » avec Luv Resval, c’est un son qui est un peu plus ancien dans l’élaboration du projet. C’était au tout début, il y a genre 8 mois, un an, pour être large. Il y avait un creux, on s’est dit qu’il manquait quelqu’un. Luv et nous, on s’était déjà DM sur les réseaux donc je lui envoie la track, je lui dis « si tu es chaud à poser un 16 » et il a répondu présent. On s’est capté sur Paname, il a écrit, on a enregistré le truc et on a décidé de le shooter.

Les collab que l’on a faites sur ce projet sont assez naturelles. On kiffait leur univers, on était souvent au studio et la symbiose, la magie a opéré. On n’était dans le « on est tous ensemble et on crée un truc ». Nos univers sont assez compatibles, même si chacun a ses codes. Tu nous mets tous les quatre sur un son et je pense que ça ne fera pas louche ! C’est franchement au feeling et ça se fait naturellement.

Le beatmaker belge Ozhora Miyagi réalise votre EP. Quelle a été votre réaction quand il vous a demandé d’être à la réalisation de « Temps d’aime » ?

M : On était honoré qu’il vienne et qu’il nous dise « ouais les gars j’ai envie de bosser avec vous sur votre projet, j’ai envie de vous faire travailler, grandir et mûrir ».

S : C’était trop fort !

M : Pour nous, c’était tout ce dont on avait besoin à ce moment-là.

Quel a été son travail ? Comment vous a-t-il aidé sur les douze titres ?

M : Il avait au début le rôle de mentor. On était un peu dépourvu de connaissances en termes de studio, d’autotune, etc. Ce n’était pas du tout notre came, on ne connaissait pas ! Il nous a vraiment « appris » ces bases-là. Il a été producteur, un minimum réal sur certains titres du projet. Il a installé sa pâte et on s’est connecté à la sienne.

On en parlait tout à l’heure : en tant qu’artistes, vous avez connu l’avant Covid avec le festival Les Ardentes. Aujourd’hui, vous sortez votre premier projet alors que la crise sanitaire semble se terminer. Comment avez-vous vécu cette « drôle » de période ?

S : On avait quelques dates déjà annoncées pour mars, du coup tout a été bloqué avec le confinement. Nous, ça nous a permis de nous poser, de tout bien réfléchir à comment on allait finir le projet. On avait la moitié des sons et on a pris le temps pendant que l’on était confiné de bien terminer le projet : voir ce qu’il manquait, ce dont on avait encore besoin à mettre dedans, etc. Ça n’a pas été négatif du tout en fait le confinement. Ça va permettre de revenir sur scène avec un vrai set, 12 titres, alors que l’on en avait que cinq.

Après avoir foulé la scène des Ardentes ou encore fait un single d’or avec « Ma Go », que peut-on vous souhaiter pour la sortie de cette mixtape ?

M : La fin du Covid pour pouvoir maintenant retrouver la scène ! On sait qu’il y a déjà des dates qui commencent à se programmer pour septembre-octobre 2021. Je pense qu’il y a moyen que ça se passe. Mais c’est sûr que l’on se rencontrera en 2022 aux Ardentes, ça, c’est un truc que tu peux déjà booker !

MOJIXSBOY PHOTO BY KELVIN KONADU_01
Kelvin Konadu

A lire aussi

Voir toutes les news