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Mélanie Laurent: «Avec Le bal des folles, je me demande… où est-ce qu’on a évolué?»

Après « Les adoptés », l’actrice et réalisatrice nous revient devant et derrière la caméra avec « Le bal des folles », un superbe drame historique tiré du best-seller éponyme de Victoria Mas. La fille de Jeanne Mas y raconte le destin d’Eugénie, une jeune femme internée contre sa volonté parce qu’elle communique avec les esprits, et de ses camarades de chambrée, qui font toutes l’objet des horribles expérimentations du docteur Charcot, dans les années 1880.

PourCiné-Télé-Revue

« Le bal des folles » est la première production française d’Amazon. Les plateformes sont-elles devenues des alliées pour le cinéma ?

Si j’oublie la frustration de ne pas investir les salles, elles viennent surtout combler la frustration de ne pas sortir partout dans le monde. « Le bal des folles » sera disponible dans 240 pays le même jour, je trouve ça assez merveilleux. Surtout avec un thème comme celui-ci, où on a vraiment envie que le film voyage et se confronte à d’autres cultures. Après, le monde évolue très vite… et je pense que, très vite, on va réussir à allier les deux. L’un ne s’oppose déjà plus à l’autre. Il suffit maintenant de trouver le bon juste milieu. J’aimerais ne pas avoir à faire absolument un choix entre une sortie en salle et sur une plateforme, mais je suis sûre que ça va arriver, je suis très confiante.

Qu’est-ce qui vous a particulièrement touchée dans cette histoire ?

J’étais bouleversée par Eugénie (Lou de Laâge, formidable) et Geneviève, mon personnage, qui se croit tellement libre alors qu’elle est enfermée. Et puis, je suis tombée amoureuse de Louise. Comment a-t-on pu enfermer des femmes en les traitant de folles parce qu’elles avaient été violées ? À cette époque, on les traitait d’hystériques juste parce qu’elles étaient traumatisées. J’étais atterrée et triste de me rendre compte que, quelques siècles plus tard, certaines choses n’ont pas changé. Quand on voit que de jeunes homosexuels aux États-Unis sont internés de force dans des centres de rééducation religieuse pour « revenir dans le droit chemin », je me demande… où est-ce qu’on a évolué ? Je trouvais ça intéressant de parler d’hier pour parler d’aujourd’hui.

« Je trouvais ça intéressant de parler d’hier pour parler d’aujourd’hui »

Quel serait le regard féminin aujourd’hui, au cinéma ?

Je ne sais pas si un homme peut faire « Le bal des folles » et réussir à rendre ces femmes aimables et bouleversantes, et pas pathétiques. J’ai l’impression qu’une femme qui regarde d’autres femmes et qui aime les femmes, ce regard-là, il est différent, il est singulier, parce qu’on ne triche pas.

Comment s’est déroulé le casting et le tournage ?

J’ai d’abord choisi mes actrices, et après mes acteurs. Et ce qu’on fait, c’est qu’on choisit un acteur qui va être un amour, qui va être extraordinairement charmant, intelligent et respectueux. On fait ça, déjà, pour s’assurer que son actrice va être protégée et se sentir à l’aise. Après, que ce soit une scène d’amour ou de viol, ces scènes sont toujours un peu délicates à faire. En général, ce que je fais, c’est que j’en parle beaucoup avant. On les répète très peu, et on fait évidemment un plateau complètement vide. On essaie de s’en débarrasser le plus vite possible.

Sans trop en dévoiler, le film comprend une scène magnifique où l’un des personnages reprend « Dans les yeux de ma mère », d’Arno. Pourquoi ce choix ?

Alors ça, c’est une grosse trahison au livre par exemple. Je cherche une chanson pour cette scène, et, en 1880, elles sont toutes un peu… pffou. Elles ne disent pas grand-chose sur les femmes, elles sont même toutes un peu misogynes ! Y a pas de poésie, on est dans la chanson de guinguette, ça ne vole pas très haut. Et un moment donné, je pense… on sera en période de Noël, on aura ce prêtre qui dit « Au nom du père », moi j’aimerais qu’on chante une chanson sur la mère. J’aimerais qu’on les voit toutes orphelines, qu’on se rende compte que toutes ces femmes sont des petites filles… et elles sont où leur maman ? J’étais très émue à ce moment-là, et je trouvais la chanson d’Arno parfaite. Avec mon équipe, on s’est regardé et on s’est dit… en même temps, qui nous empêche de la faire ? (Rires.) Après, je ne vais pas vous cacher que le tournage a été très compliqué pour moi, parce que j’arrêtais pas de chialer.

Quel genre de réalisatrice êtes-vous ?

J’adore avoir de la place sur mon plateau pour avoir de l’instinct, de l’impro. Pour cette scène dont on vient de parler justement, c’était une vraie surprise. J’avais rencontré les cinq actrices autour d’Eugénie. Quand Coralie Russier est arrivée, je lui ai dit voilà, je ne sais pas pour quel personnage je te vois… je rencontre des actrices, des personnalités et puis après, j’écris. Est-ce qu’il y a une partie de ton corps que tu ne veux pas que je filme, est-ce qu’il y a quelque chose que tu veux ou ne veux pas faire ? Coralie m’a alors répondu qu’elle avait un peu de voix et que, si je voulais, je pouvais la filmer en train de chanter. Et puis là, elle a poussé la chansonnette dans mon bureau, j’ai eu les poils direct ! Selon ce que les femmes me disaient, je réarrangeais le script. Lauréna Thellier, elle m’a dit : « Je te préviens, je me mets en colère très facilement. » (Rires.) C’est devenu un trait de personnalité de son personnage. J’adore travailler comme ça, instaurer un lieu de travail où, tout d’un coup, tout est possible. Je sais exactement ce que je veux avec pas mal de précision, et au final c’est quand même moi qui décide, mais à l’intérieur de ça, y a énormément d’endroits et d’espaces pour que les acteurs proposent des choses. Si on arrive à instaurer un climat de travail assez doux et détendu, ça peut donner des petits miracles comme ça. Elles m’ont apporté plein de choses, ces femmes.

Question bonus : comme dans le film, avez-vous vécu une expérience avec les esprits ?

J’ai une histoire de fantôme complètement dingue à vous raconter, oui. J’étais à Singapour, où j’ai tourné un film coréen. On était dans un cimetière, et d’un coup, toutes les lumières se sont éteintes. Toute l’équipe était en panique. Moi, je me moque un peu de tout le monde, ce qui n’était pas très bien mais j’étais très jeune… et à la fin du tournage, le réalisateur me montre les rushs et me dit, écoute, y a eu un fantôme à ce moment-là et d’ailleurs, il est à l’écran. Il m’a montré, et je vous jure, j’ai vu un fantôme. Ou alors c’était un technicien qui avait mangé des lumières et qui courait…

Notre interview avec Mélanie Laurent est à lire en intégralité dans le Ciné-Télé-Revue de cette semaine.

« LE BAL DES FOLLES », dès vendredi 17 septembre sur Prime Video

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