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Les Intranquilles : et si le dernier pouvait être le premier ?

C'est donc ce samedi que s'achève cette très particulière 74ème édition du festival de Cannes avec la traditionnelle proclamation du palmarès bien sûr, une « Dernière séance » à « OSS117 : alerte rouge en Afrique noire » avec Jean DUJARDIN, Pierre NINEY, Fatou N'DIAYE, précédés de la projection du dernier film mais pas des moindres en compétition officielle « Les Intranquilles » de Joachim LAFOSSE, avec Leila BEKHTI et Damien BONNARD dans les rôles principaux.

La première scène du film nous montre un homme et un petit garçon sur un bateau en mer. Soudain l'homme plonge et crie au gamin « j'y vais à la nage, tu es capable de rentrer seul ».

Un peu plus tard, le gosse retrouve Leila, sa mère, dans une petite crique puis longtemps après Damien réapparaît et les rejoint alors que le soir tombe.

Dès ces premiers moments, on comprend que Damien est un homme pas comme les autres. Bipolaire, il anime, agite, déstabilise puis détruit le quotidien de la petite famille où Leila, aimante, compréhensive, patiente perd progressivement l'équilibre et où le petit Amine retient ses interrogations, ses inquiétudes, ses angoisses face aux dérives excessives et répétées de son père. Intervient aussi Patrick, le père de Damien, plein de bon sens, de sagesse et de compassion, attentif au comportement de son fils et d'un précieux soutien pour Leila.

Joachim LAFOSSE réussit un film fort et intense sur un sujet délicat à traiter : une maladie personnelle qui génère un drame socialisé. Par une approche très personnelle et sans poser de jugement « moral » sur les personnages (comme dans « A perdre la raison »), il développe une immersion progressive et lancinante dans la déconstruction d'un couple, d'une famille, d'un microcosme social. On est pleinement au cœur du sujet sans en être jamais vraiment partie prenante car Joachim LAFOSSE a gardé cette pudeur et cette réserve de l'observateur et du scrutateur à la fois investi et distancié, en portant aussi ses personnages avec énergie et compassion. Leila BEKHTI est remarquable de naturel, entre femme forte, femme fragilisée, femme égarée, femme désemparée, au bord de la rupture. Damien BONNARD habite pleinement son personnage, à la fois physiquement, mentalement et affectivement, passant de l'amour à la colère, de l'enthousiasme à la désespérance, de la détermination positive à l'obstination incurable. Et qu'on apprécie une fois encore, à son immense valeur, si juste, si mesurée, pleine de sagesse, de souffrance non dite et de générosité humaine de Patrick DESCAMPS qui crée un indispensable contrepoint face à l'hystérie du couple qui s'égare. Un film « frénétique » à tous égards, troublant et saisissant, qui pourrait conduire son auteur sur l'une des marches du podium cannois.

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