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Ira-t-on encore un jour au cinéma?

L’avenir des salles obscures est de plus en plus… sombre. La diminution du box-office est estimée à 70 % pour 2020, tandis que Disney, le plus gros studio au monde, va axer sa stratégie sur le streaming.

PourCiné-Télé-Revue

Des salles fermées et des plateformes de streaming qui engrangent par milliers les abonnés. Le résumé de l’année 2020 en matière de cinéma n’a pas de quoi réjouir celui qui aime le charme des salles obscures. Et ça ne risque pas de s’améliorer avant un bon moment. Au point que beaucoup commencent à s’interroger sur l’avenir même des complexes cinématographiques, en Belgique comme dans le reste du monde. Le rapport 2020 de l’Union internationale des cinémas (Unic) fait froid dans le dos : il table sur une diminution de 70 % des chiffres du box-office pour le secteur.

Un arrêt net dû à la crise sanitaire qui, en Belgique comme dans le reste du monde, est d’autant plus douloureux que le secteur était dans une spirale positive en 2019. Ainsi, chez nous, l’an dernier, 19,5 millions de tickets d’entrées avaient été vendus, soit 4 % de mieux qu’en 2018, avec un chiffre d’affaires de plus de 171 millions d’euros. Or, qu’est-ce que les spectateurs étaient allés voir avant tout ? Des films Disney. « Le Roi Lion », « Avengers : Endgame », « Joker », « La reine des glaces 2 » et « Aladdin » ont été les plus gros succès de l’année 2019 en Belgique. Soit quatre Disney pour un film Warner Bros.

Or, Disney a annoncé à la mi-octobre une restructuration en profondeur de sa stratégie de fonctionnement, avec comme priorité à l’avenir le développement de la plateforme Disney + (les services médias et divertissement se retrouvant fusionnés). De quoi éclairer d’un jour nouveau le choix de passer directement « Mulan » et le dessin animé Pixar « Soul » directement sur la plateforme de streaming. Comme l’a répété sur CNBC Bob Chapek, le boss de Disney, ses choix ne sont pas une « réponse au Covid-19 ». Ils s’inscrivent dans une « transition qui se serait produite de toute façon ».

D'après Variety, le prochain Bond, contre 600 millions de dollars, pourrait être achété par une plateforme de streaming.
D'après Variety, le prochain Bond, contre 600 millions de dollars, pourrait être achété par une plateforme de streaming. - © MGM

D’après Variety, le prochain Bond, contre 600 millions de dollars, pourrait être achété par une plateforme de streaming. © MGM D’après Variety, le prochain Bond, contre 600 millions de dollars, pourrait être achété par une plateforme de streaming. © MGM

L’amateur de blockbusters en salle peut donc franchement se demander combien des sorties décalées ces dernières semaines finiront bien par passer au grand écran. Et les exploitants, dont les recettes dépendent en bonne partie des grosses machines Disney, peuvent se faire du mouron.

Plus personne n’oserait parier que des films comme « Jungle Cruise » avec Dwayne Johnson, « Eternals » avec Angelina Jolie ou le « West Side Story » de Steven Spielberg (repoussés respectivement à juillet, novembre et décembre 2021) ne basculeront pas du côté streaming de la force Disney. Dans le collimateur aussi, le film d’animation « Raya et le dernier dragon », initialement annoncé pour ce mois de novembre, mais dont la réalisation a été directement ébranlée par la crise du coronavirus. Il a été reporté en mars, avant, lors de la sortie de la première bande annonce, d’être plus prudemment annoncé « prochainement au cinéma ». Il est d’autant moins sûr de l’y voir que l’action Disney a grimpé de 5 % à Wall Street après l’annonce de son changement de stratégie en faveur du streaming…

Le mouvement ne devrait pas concerner que Disney, même s’il est le plus gros studio mondial et qu’il bénéficie de sa propre plate-forme. On se rappelle que, fin octobre, un article de Variety annonçait que la MGM serait prête à laisse filer en streaming le dernier James Bond contre un chèque de 600 millions de dollars… Le réalisateur Christopher Nolan, dont le film « Tenet », produit par Warner Bros., seul blockbuster sorti en temps de crise, n’a rapporté « que » 350 millions de dollars dans le monde (contre 850 pour « Inception », du même Nolan), s’en inquiète : « Plutôt que de regarder où le film a bien marché et comment cela peut leur fournir des revenus dont ils ont bien besoin, les studios se focalisent sur le fait que les résultats n’étaient pas à la hauteur de leurs attentes d’avant la crise du Covid », explique-t-il dans une interview au Los Angeles Times. « Ils l’utilisent comme argument pour accuser les salles de cinéma d’être responsables de toutes les pertes liées à la pandémie, au lieu de prendre les choses en main et de s’adapter, ou de reconstruire le modèle et le business. Je crois qu’aller au cinéma fait partie de la vie, comme aller au restaurant. Mais en ce moment, tout le monde doit s’adapter à une nouvelle réalité. » Pour lui, ceux qui prônent dorénavant le streaming à tout crin « ignorent la réalité de 2019, la plus grosse année pour les films au cinéma de toute l’histoire. Le nombre d’entrées était énorme. Donc pour moi, la question est : dans quelle nouvelle réalité vivons-nous ? »

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