Fabrice Luchini et Camille Cottin («Le mystère Henri Pick»): un duo qui fait des merveilles

Dans une petite commune du Finistère, un bibliothécaire a eu l’idée de créer un sanctuaire pour tous les livres refusés. Chaque auteur ayant reçu un sec «non» des éditeurs pour l’œuvre qu’il a nourrie durant des années peut l’y déposer, dans l’espoir qu’elle se faufilera malgré tout entre les mains d’un lecteur. Une éditrice curieuse y dégote un manuscrit, «Les dernières heures d’une histoire d’amour», qu’elle juge si extraordinaire qu’elle décide de le publier. Et ce roman devient un best-seller! Mais qui est réellement Henri Pick, son auteur? Un critique littéraire célèbre, sceptique, se met à sa recherche avec l’aide de la fille de l’auteur présumé du roman, un pizzaïolo disparu deux ans plus tôt. Y a-t-il entourloupe? L’histoire peut commencer, avec un duo mieux assorti qu’il n’y paraît de prime abord…

La bibliothèque existe… au Canada

Le réalisateur Rémi Bezançon adapte le roman de David Foenkinos («La délicatesse») en le centrant sur le personnage de ce critique littéraire, merveilleusement interprété par Fabrice Luchini. C’est le comédien lui-même qui a suggéré le nom de Camille Cottin, avec qui il venait de tourner dans la série «Dix pour cent», pour lui donner la réplique. «Le mystère Henri Pick» est donc une œuvre totalement de fiction… mais qui rejoint la réalité. Il existe bien depuis 1990 une bibliothèque des livres refusés, la bibliothèque Brautigan, située à Vancouver, au Canada. Sa création a elle-même été inspirée par un roman, «L’avortement: une histoire romanesque en 1966», de l’auteur américain Richard Brautigan, publié en 1971. Comme quoi, tout est dans tout. Les auteurs refusés ont même droit depuis 2011 à leur journée nationale, chaque dernier dimanche de janvier!

Le roman comme le film soulèvent des questions passionnantes sur la création. Qu’est-ce qui fait un succès? Combien de chefs-d’œuvre ont fini dans la corbeille des maisons d’édition? Peut-on écrire un grand livre tout en étant un simple pizzaïolo ou est-ce réservé à une élite particulièrement cultivée? Qu’est-ce qu’être un auteur? Des sujets abordés sans pesanteur, car on suit l’histoire comme une enquête, mais littéraire au lieu d’être criminelle. Un registre dans lequel Fabrice Luchini, d’autant meilleur avec les années qu’il gagne en sobriété sans perdre sa malice, est parfaitement à l’aise, on s’en doute. Et puis, on se laisse rapidement emporter par le duo, tant la complicité entre les deux comédiens est patente. Même si parfois Luchini peut avoir tendance à cannibaliser un peu le film (ha, la tirade sur Duras!). Mais comme c’est Luchini, on a juste envie de lui pardonner.

« Le mystère Henri Pick », 20h35, la Une.