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Betty, maman eudeuillée, témoigne ce lundi soir sur la Trois: «Le suicide, il faut oser en parler»

En Belgique, six personnes se suicident chaque jour. La Trois consacre la soirée du 28 novembre à ce sujet. Betty Leruitte, dont le fils a mis fin à ses jours, y participera.

PourCiné-Télé-Revue

«Mon fils était un enfant turbulent, plutôt rebelle, un caractère assez difficile et renfermé. Mais à 16 ans, il s’est découvert une passion: il a appris la guitare tout seul. A partir de là, il n’a plus vécu que pour la musique. Il a joué dans deux groupes, ils ont fait des concerts, un album.

»A 22 ans, il s’est fait agresser par une bande de voyous dans le quartier de Matongé. Il a été tabassé, on lui a volé ses affaires. Il en été si traumatisé qu’il a commencé à en faire des cauchemars qui lui faisaient revivre cela tout le temps, il avait peur de sortir, ne dormait quasi plus. Petit à petit, il s’est mis à boire quelques bières pour se donner le courage de sortir, puis cela a été le cannabis. Comme Mike avait un tempérament très fermé, il n’en parlait à personne.

»Quand j’ai découvert son mal-être, j’ai cru qu’il faisait une dépression et je l’ai envoyé chez le médecin. On lui a prescrit des anxiolytiques. Cela a été le début d’un engrenage fatal. Pendant dix ans, docteurs et psychiatres lui ont fait essayer une cinquantaine de médicaments: anxiolytiques, somnifères, calmants, antipsychotiques, et parfois de très forts, qui ont des effets secondaires désastreux. Dont le Viox, un antidouleur très puissant qui a été retiré de la vente. A 25 ans, on a diagnostiqué son état borderline, ce qui expliquait qu’il passait de la joie au désespoir le plus profond de manière brutale.

»En plus de ce stress post-traumatique suite à son agression, une opération des sinus lui a provoqué des névralgies faciales qui le faisaient souffrir horriblement. Pour calmer ses crises, la seule substance qui agissait tout de suite était le cannabis. Les deux problèmes combinés ont fait qu’il était dans un cercle vicieux.

»En dix ans, son état s’est aggravé au point qu’il était comme un zombie. Il a commencé à avoir des psychoses, conséquences des médicaments et de son état borderline. Il se voyait alors défiguré et était devenu incapable de jouer de la guitare. Cela lui était si insupportable qu’il a fait plusieurs tentatives de suicide, d’abord par médicaments. Mais son corps y était si habitué qu’il s’en est sorti. Puis, il s’est jeté sous le métro. Il a survécu miraculeusement avec quinze fractures, il a même réussi à remarcher.

»Pendant toutes ces années, j’ai essayé de trouver des solutions, on est allés dans différents hôpitaux, on a vu divers spécialistes. On était très fusionnels et en même temps quasiment tout le temps en conflit parce que je n’arrivais pas à le comprendre. Je vivais dans l’angoisse permanente qu’il refasse une tentative et qu’on m’annonce son décès. Il vivait dans un petit studio près de chez moi, il venait régulièrement manger à la maison. Comme il n’était plus venu depuis quelques jours et qu’il ne me répondait pas au téléphone, j’ai eu un pressentiment. J’ai foncé chez lui, sa porte était verrouillée de l’intérieur. J’ai appelé le 112, la police a défoncé la porte, et nous l’avons trouvé… Il s’était coupé les veines dans sa baignoire, il avait 35ans.

»Il ne faut pas le nier, j’ai ressenti une forme de soulagement. Finalement, il ne souffrait plus. Les gens qui se suicident sont dans une souffrance énorme et cherchent avant tout à y échapper. J’ai aussi éprouvé un énorme sentiment de culpabilité de ne pas avoir été assez à l’écoute de mon fils. Je l’ai toujours, mais ce sentiment ne change rien pour la personne qui est partie, il est destructeur pour celui qui le ressent, je l’ai accepté et rangé dans un coin de ma conscience.

»Au début, on a l’impression qu’on va devenir fou, qu’on ne va jamais s’en sortir, qu’on ne va plus jamais pouvoir vivre normalement. J’ai entrepris un tas de démarches, je suis allée voir un psychologue spécialisé et je me suis inscrite dans un groupe de parole. Oser en parler fait partie de la reconstruction. Et puis, comme mon fils était musicien, je me suis inscrite au solfège, et à des cours de piano. J’entrais ainsi dans son monde, j’avais l’impression de le rejoindre.

»Ecrire un livre sur lui m’a aidée à arriver au bout de mon processus de deuil. Je crois que la seule façon de s’en sortir est de transformer ce deuil en quelque chose de positif. Pas un jour ne passe sans que je pense à mon fils, mais j’y pense avec le sourire, je lui parle. Je repense à des moments heureux, à ce qu’il a fait dans sa vie. Je ne veux pas le réduire à quelqu’un qui s’est suicidé.»

« Regard sur - Débat », 28 novembre, 21h25, la Trois.

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